J'espère que vous aurez plaisir à partager ces quelques textes.
Ceux-ci ont été inspirés par les sculptures, les expos et/ou tout simplement écrits pour la beauté des mots.
Les Auteurs :
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Sophie Bouvet
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Jean Frantois Hemery
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Votre serviteur
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Art Moderne ?
C'était un très vieux système de chauffage : une soufflerie d'air chaud, avec un
chemin de tuyaux en ferraille qui courait en haut des murs, de pièces en pièces.
Beaubourg en alu !
Tube par tube, coude par coude, le chemin de fer est démonté et déposé là, en
vrac dans l'atelier.
Mon sculpteur semble charmé par cet amas.
Son œil de sculpteur a vu tous ces coudes plissés, tous ces tubes lisses, avec son
œil de sculpteur.
Trier, choisir, emboîter.
Non, ça ne va pas.
Désemboîter, raccourcir, désassembler, allonger…
Les coudes plissés se verticalisent.
Un nœud naît et naît un être noueux, sinueux.
Le créateur devient charmeur de coudes plissés.
Et la créature coudée et métallique se laisse charmer.
Dragon sans pattes ? Serpent fabuleux ?
Talent et alu s'unissent en un accord parfait.
Tiens non !
Le créateur se gratte la tête.
Un chapeau melon ? Des lunettes ?
Un béret ? Une cravate ? Une casquette ?
Une casquette !
Une casquette rouge, publicitaire, avec une grande visière.
Impeccable !
Voilà, c'est ainsi que naquit le premier Reptile-Rapeur !
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Pour l'Humour de l'Art.
Il est tout guilleret mon sculpteur !
Pour son anniversaire, il s'est vu offrir un nouveau jouet : UN POSTE A SOUDER.
Sur le coup, ça l'a étonné, mon sculpteur, un peu effrayé aussi. C'est dangereux ces
machins-là !
Et puis le fer est une matière dure, masculine, froide ; tout le contraire de la terre.
Alors, en quoi un poste à souder peut-il être utile à la sculpture ? Je vous le
demande.
Il se l'est demandé aussi, jusqu'au moment où s'est produit le déclic.
Le terrain autour de la maison, regorge de matériaux divers et rouillés, enterrés ça
et là, au fur et à mesure de leur inutilité. Ce sont de vieux fers à cheval, des chaînes, des anneaux, des vilebrequins, ressorts, amortisseurs… Et aussi des demi-couvercles, des outils cassés… Une mine d'or pour le soudeur !
Alors il a trié le rouillé, assemblé le dissemblable et réuni le fer et le feu…
Mélange guerrier, le fer et le feu !
Mais sous la main de l'artiste casqué et armé, le fer et le feu s'accordent et
fusionnent sous la lumière bleue, violente, dans les éclairs argentés, agressifs. Et le métal se plie à l'autorité du feu, se discipline sous la force créatrice.
De cette union, du fer et du feu, naît un être rigide, froid, primaire : un gallinacé
imbu et prétentieux ; mégalomane et orgueilleux…
Bref, un dindon !
Mais attention, pas n'importe quel dindon ! Il porte les couleurs et la palette,
manipule pinceaux et brosses et signe « MOI ».
C'est un Artiste-Dindon.
Et pour l'humour de l'art, la Caricature d'un Don est une allégorie particulièrement
intéressante ! |
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elles mêmes humaines
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Au milieu d'un tas de lames, l'âme des machines fumantes se mourait. Les dents de
faucheuses accrochées aux mâchoires graisseuses crachaient leur rouille fiévreuse aux dents des godets et de pinces au nom d'antan, sous le regard sans âge des trépans gris vert.
Leur trépas annoncé de longtemps, faisait rougir leurs facettes et verdir leurs rouages. En ce
tumulte de fer, d'eau et de rouille où la terre et les vers revendiquaient leur valeur en laissant au temps son labeur, le feu de l'enfer a vu le liquide brûlant sortant des creusets pour faire armes de guerre, épée de Damoclès, boîte de Pandore et autres drôleries métalliques des âges nouveaux ; fer blanc recyclé, réutilisable et présumé périssable à consommer de préférence avant : voir date indiquée sur le couvercle.
C'était sans conter la Fée Electricité et son prince vaillant, en un mot, votre serviteur.
De cette rouille infâme que mon âme ne put voir, ma râpe fit jaillir le métal restant, et, de feu
et de larmes je fis jaillir ce qui, aujourd'hui, vous fait rire au râle.
M'arguant de cette devise où, seul l'humour doit être pris au sérieux, je m'évertue en un
solennel sérieux à faire éclore de ces rescapés du massacre industriel, de ces vestiges agricoles, des témoignages vivaces de nos versatiles et néanmoins réelles facéties humaines.
Parées de mille couleurs elles se dressent face au ciel, chatoyantes sous le soleil ou
s'argentant de givre, elles chagrinent ceux, qui en leurs pirouettes reconnaissent leur faciès, mais font sourire les hommes et amusent les enfants.
Certains l'appellent l'art brut, d'autres l'art récup. Je dirais oui, si d'assemblage il s'agissait ;
que nenni, je sculpte.
Au détour de mes recherches de matériel, on m'a demandé la cote, le diamètre de la pièce
recherchée ; la seule référence que je pus donner fut la cote du cœur, le coup de foudre pour le bout de métal.
- "Ah Monsieur est artiste !"
Oui, non, je suis ou ne sais pas, mais surtout je sais que je ne veux pas d'un art triste.
Et lorsque sur mes sculptures de fer, de béton, de feu et de lumière roule le rire de ceux qui
aiment la vie, les purs, les enfants, je sais que j'ai gagné. |